Il t’arrivait de temps à autres de songer à ce que les autres peuvent penser de l’amour. L’autre soir, lors d’un rassemblement près de la prairie, on vint à parler d’amour, et une grande discussion s’éleva, l’éternelle discussion pour savoir si on pouvait aimer vraiment une fois ou plusieurs fois. On cita des exemples de gens n’ayant jamais eu qu’un amour sérieux ; on cita aussi d’autres exemples de gens ayant aimé comme toi souvent, avec violence. Les mâles en général, prétendent que la passion, comme les maladies peuvent frapper plusieurs fois le même être, et le frapper à le tuer si quelque obstacle se dresse devant lui. Bien que cette manière de voir les choses ne fût pas contestable, les femelles, dont l’opinion s’appuyait sur la poésie bien plus que sur l’observation, affirmait que l’amour, l’amour vrai, le grand amour ne pouvait tomber qu’une fois sur un mortel, qu’il était semblable à la foudre, cet amour, et qu’un cœur touché par lui demeurait ensuite tellement vidé, ravagé, incendié, qu’aucun autre sentiment puissant, même aucun rêve, n’y pouvait germer de nouveau. L’enthousiasme des femelles était tombé, et leur fin visage dégouté disait toujours « Pouah ! », comme si l’amour n’eut dût frapper que des êtres fins et distingués, seuls dignes de l’intérêt des autres comme il faut.

Tu n’engagerais jamais rien avec personne. De toute manière toutes les louves sont stupides et- le resteront pour l’éternité. Naïves et insolentes, mesdemoiselles divas, il y en a marre. Tu voulais goûter à autre chose à présent. Maintenant tu ne traîneras plus chez les femelles des rues, mais chez les loups des forêts blanches. Ne demandez pas quel est le sens de cette phrase, car il n’y en a pas. Tu ne tardas pas à te rendre compte que c’était la première fois que tu entrais sur les terres propres à ta meute. Sur l’île du ciel, un endroit inconnu pour toi, le jeune soleil éternel ne tarda pas à faire son unique apparition de la journée. Mais, roulée en boule devant toi, elle semblait dormir. Néanmoins tu savais toi, Neil, que cette créature restait à l’affût des moindres prédateurs des alentours. Tu t’approchais lentement, décident d’un ton ferme et sec de parler, mais tu restas ébahie devant cette merveille de la nature, car pour la première fois de ta vie, une louve était jolie, était belle. Tu t’approchais, le torse bombé, la tête haute. Tu l’approchais et en la regardant hésita à demander. Romantique ou passionné ? Quel ton employer ? Tu ne le savais point mais pourtant tu te décidas à parler. Ton museau s’anima dès que tu prononças cette onomatopée.

« Bouh ! »

Ce son s’estompa dès que tu t’assis devant elle, la regardant dans les yeux. C’était la première fois de ta vie que tu trouvais quelqu’un de jolie et à ton goût. Tu espérais tout de même qu’elle réagisse de la façon que tu espérais et qu’elle ne se rebelle pas face à ton insolence que tu préférais laisser cachée au fond de ton cœur.

« Ô Loups Qui rêvez dans votre tanière éphémère, les pattes appuyées sur le sol, craignez de penser longtemps dans le noir de la nuit à un visage aimé. Vous risqueriez de donner naissance à un être doué de toute la sensibilité canine et qui ne peut pas vivre ni aimer, et souffre pourtant comme s’il vivait et aimait. Un être comme ce louveteau, né un jour du cerveau de cet Heaven qui avait perdu da fille âgée de quelques mois pendant un de ses voyages et qui, une nuit, pensa longuement à elle, avec une force terrible, pour le plus grand malheur de ce petit. »

C’était une histoire que ta nourrice t’avait autrefois racontée. Cette histoire, tu n’y croyais pas. Mais tu te demandais par contre si ce qu’elle t’avait raconté, était bel et bien une histoire. Pour toi, ce charabia n’a ni queue ni tête ! Mais en repensant à ça cela te donnait des nausées. Reparler de ton enfance était pour toi comme si tu revoyais tes parents en face de toi, les yeux de chat battu. Cela était vraiment insupportable. Parlons du présent. Cette période que tu préfères parmi les deux autres. Le passé et le futur. Le futur, tu n’y songeais même pas. Quant au passé, c’est à vomir. Tu te reposais sur la seule chose que tu avais pour t’appuyer. Les femelles. Ces petites naïves qui ne comprennent rien à la vie. Mais ce jour là c’était tout autre chose. La femelle se trouvant devant toi fût plus belle que toutes les autres que tu avais vu auparavant. Les yeux bruns légèrement teintés de beige étaient magnifique. Mais celle-ci, tu allais te l’approprier. Pour commencer, tu regardais si aucun autre loup n’était dans les parages. Cette proie était la tienne, et personne ne te la volera. Tu urinais autour de toi, autour de la jeune louve. En l’ayant fait légèrement sursauté en lui faisant « bouh », il n’y avait rien de sanguinaire ni quoi que ce soit. Seulement tu voulais savoir comment allait-elle réagir, quelle était sa réaction fasse à toi. Elle était vraiment magnifique. Son pelage était vraiment beau et son regard, envoutant. Tu t’approchais d’elle. Le museau haut, tu voyais bien qu’elle restait sur ses gardes. Mais d’un air amusé elle te lança au nez.

« Ai-je à faire au grand méchant loup ? »

Cette question que cette ravissante louve brune te rendait fort aimable. Mais l’amabilité ne fait pas tout. Pour toi, il te fallait l’impressionner pour lui montrer ce que tu ressens en la voyant. Tu t’allongeas doucement, essayant d’éviter de lui faire peur, mais tu ne savais pas quoi dire. Jouer avec les mots serait pour toi mieux que de lui cracher au visage, ou de l’impressionner pour mettre toutes les chances de ton coté de la faire fuir ? Non. Il te fallait bien jouer avec les mots. Le tutoiement, jamais. En tous les cas, pas pour l’instant. Tu répondis l’air amusé, en faisant de même que la jeune brune.

-« Vous a-t-on déjà dis que vous êtes belle ? Mais je doute que vous soyez du genre à fuir dès que quelqu’un s’approche de vous en vous flattant. Serait-ce par hasard le cas ? »

Il était temps de savoir à quoi la jeune louve jouait. Pourquoi se trouvait-elle sur ces terres abominables ? Pourquoi s’allonger en terres ennemies, comme ça ? C’est plutôt étrange pour quelqu’un ayant l’odeur d’une solitaire. En effet lorsque tu la senti, tu te disais tout de suite qu’elle pouvait bien être solitaire. Ton but aujourd’hui ? En apprendre plus sur cette rencontre et peut-être pouvoir tisser des liens avec elle. Mais ton caractère te l’empêchait et tu pouvais très bien basculer du coté obscure en quelques instants seulement. Sur cette petite île du ciel que tu n’avais jamais vu auparavant, il était probable que quelques autres loups veuillent la conquérir et ainsi pouvoir faire leur territoire dessus. Mais en regardant autour de toi, nulle trace adverse ou ennemie était présente. Dans tes anciens rêves que tu faisais il n’y a pas si longtemps que ça en paraissait, tu te voyais dominant de ta meute, fidèle avec ta femelle et rejetant toutes les autres, même les plus belles. La fidélité, tu n’as jamais connu ça. Mais tu es quand même prêt à faire un effort si une louve comme celle se trouvant devant toi pouvait par la suite devenir ta compagne. Mais la fidélité a été tellement dure à atteindre pour un loup infidèle comme toi.
Enfin elle te répondit. Fuir ? Ce n’était donc pas ce qu’elle voulait. Cela prouvait qu’elle n’avait donc pas peur de toi. Mais ce regard vert que tu avais, cette allure de monstre que tu utilisais devant tes adversaires était toujours impressionnante. Mais apparemment, pas suffisamment pour cette ravissante solitaire. Solitaire oui, car son odeur te le montrait, elle te le prouvait. Mais toi, Neil, assassin des Nightmares, n’avais pas l’intention de repartir les pattes vides. En parlant de ça aussi, tu avais vraiment faim. Un bon caribou ne te ferait aucun mal et peut-être aussi, pourquoi ne pas pouvoir rassasier ta connaissance ? Tu la regardais dans le brun de ses yeux, mais avant de lui demander si elle avait faim celle-ci te demanda pourquoi tu ne la chassais pas de tes terres. Ta réponse fut soudaine et d’un ton sec et assez sérieux tu répondis à sa chère question.

« Pourquoi chasser les belles femelles lorsqu’elles sont rares à venir ici. Au fait je m’appelle Neil et je suis assassin des Nightmares. A qui ai-je à faire en face de moi ? Une solitaire. Me tromperai-je ? »

Ce questionnaire était assez étrange pour toi car tu n’avais pas l’habitude de parler bien à quelqu’un, surtout lorsqu’il est ennemi. Mais tu ne t’arrêtais pas là. Et au loin lorsque ton regard se porta sur la fine forêt postée en bordure de mer, ton instinct t’ordonna de t’y conduire. Mais tu préférais attendre que la louve se présente et qu’elle ai faim, juste au cas où quoi.