Le temps un peu plus doux de cet hiver m'avais permis de dormir à la belle étoile. La température était quand même glaciale, mais mon poil long m'avait permis d'y résister. Tant pis, je trouverais meilleur abri ce soir.

J'espère que le gibier est de sortie, car j'attend le premier repas de la journée avec impatience. Peut-être qu'à la Clairière, c'est le cas...

J'étirais mon corps, et mes os craquèrent, inactifs depuis hier soir. Je baillai à m'en décrocher la mâchoire, et commençai à marcher.

Il n'y a pas intérêt à avoir d'autres loups à la Clairière, je meurs de faim et je ne veux pas qu'ils fassent fuir ma proie, enfin, s'il y en a...

J'étais à un demi-kilomètre de la Clairière, et pour m'échauffer, j'entrepris d'avancer en trottant rapidement. Le souffle du vent dans mes poils, les fougères et autres plantes caressant mes membres fins et blancs, me revigoraient. Et puis soudain, plus d'arbres. Ils avaient laissé place à de l'herbe coriace et jaunâtre.

Aaah, enfin arrivée.

Je m'arrêtai, humant l'air. Mon odorat cherchait cette irrésistible odeur de délicieuses boules de poils et de plumes. Et là, miracle, une odeur envahit ma truffe humide! Une délicieuse odeur de lapin. Et là, je le vis, innocent, cherchant des graines.
Je pris le temps de détecter la direction du vent. Il était contre moi, il ne pouvait pas me sentir, mon repas! Je m'abaissais, et....détalais à la poursuite du lapin, qui incrédule, leva les oreilles. Lorsqu'il commença à courir, je fis un bond prodigieux avant d'atterrir sur lui et de l'achever d'un coup de croc bien placé. Je m'allongeais afin de déguster l'un des rares repas ambulant des Terres Neutres. Une fois mon repas terminé, je me léchai les babines et me relevai, repue. Quand soudain, je sentis une odeur. Une odeur inconnue, ni d'Heavens, ni de Nightmares, ni d'Hurricanes.

Un solitaire, comme moi?

Je me réjouissais de rencontrer un autre loup. Ou une louve. C'est vrai, je me sentais tellement seule, depuis que père a disparu.
Je me mis en quête de trouver l'inconnu.

Ce doux matin d'hiver, la faim me réveilla comme rarement elle le faisait. Mon estomac gargouillait du vide qui l'emplissait. Je me levai péniblement, étirant longuement chacun de mes membres. Tandis que je commençai à marcher, je sentais mes muscles se dénouer sous mon pelage d'ébène.
En cette période, je m'étais installé proche de la grande clairière qui trônait au centre de la zone neutre. C'était un terrain de chasse particulièrement agréable, les animaux des bois peuplaient cette petite plaine intérieure à la forêt, c'est pourquoi on y retrouvait tant d'espèces différentes ! Un garde manger aux saveurs si variées des harde de biches aux lapins sortant tout juste du terrier.

Je me dirigeais donc hâtivement vers l'endroit, mes patte,s désormais légères, effleuraient subtilement le sol. Plongeant entre les herbes tendres, je suivais allègrement l'odeur fraîche d'un lapin. Le vent soufflait dans mon dos, mon odeur allait donc me trahir. Je poussai un soupir, je ne voulais pas contourner l'animal pour le prendre face au vent car le risque de perdre sa trace était trop important et la faim qui me rongeait devait être rapidement réduite au silence si je souhaitais passer une bonne journée.

La salive me montait à la bouche au fur et à mesure que l'odeur devenait de plus en plus forte. Le bruit de mon pas s'effaçait peu à peu. Je savais que tout ce jouerait à mon temps de réaction et ma rapidité. Je maintenais mon attention sur mon ouïe, il fallait que je repère le petit frétillement d'herbe suspect, le pelage brun à déchiqueter comme du papier cadeau.

Frémissements. Je m'élance et saute. Me voilà maintenant face à une louve qui, d'après ce que je vis , avait remarqué ma présence.

-Bien le bonjour ! Je ne pensais pas partageais mon terrain de chasse aujourd'hui.

J’adoptai une position défensive sans pour le moins me montrer méfiant et froid. En plus, je ne risquais rien cette louve ne portait aucune marque distinctive d'une meute, juste une solitaire, comme moi.

Je restais sur place, sentant son odeur se rapprocher de plus en plus. Je n’eus pas le temps de faire un pas qu’un loup noir comme l’ébène bondit et atterrit juste en face de moi. Je penchai la tête sur le côté en levant un sourcil, et lui dis, d’un air mi- surpris, mi- amusé :

Tu es arrivé trop tard, cette proie est la mienne !

Je plantai mes crocs dans le petit corps chaud du lapin, et en arrachai une grosse bouchée. Un filet de sang dégoulina le long de ma mâchoire, puis de ma gorge.

Oh nan, je me suis salie !

Je souris. C’était plutôt drôle de le voir déglutir, alors qu’il devait sentir à pleine truffe l’odeur du sang et ne pas pouvoir y goûter… Mais comme je suis gentille, je comptais bien partager avec lui. Je perdis tout mon sourire lorsque j’entendis son salut :

Bien le bonjour ! Je ne pensais pas partager mon terrain de chasse aujourd’hui.

Je vis rouge. Très rouge. Comment ça, « son » terrain de chasse ?! C’est une Terre Neutre ! Il osait s’approprier la Clairière ! Je lui répondis, énervée :

Comment ça, ton terrain ?? Il est à tout le monde !

Je découvrai les crocs, et grognai, les oreilles collées sur la nuque. Bon, même s’il s’approprie un lieu, ce n’est pas comme ça qu’on accueille un inconnu. Je redevins calme, et lui dit, d’une voix beaucoup moins agressive :

Salutations, solitaire. Je suis Mekalya. Aurais-je le privilège de connaitre votre nom ?

Je m’assis, bien droite.

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